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Dans les forêts d’hévéas du Tây Nguyên : silence blanc, gouttes de latex et vies cachées

Lors de notre traversée des Hauts Plateaux du Centre du Vietnam, entre Gia Lai, Kon Tum et Đắk Lắk, une image s’est souvent répétée sous nos yeux : de longues rangées d’arbres à caoutchouc (hévéas), parfaitement alignées, bordant la route comme des soldats immobiles. Et puis un jour, la curiosité nous a poussés à faire halte.

Carnet de repérage – Témoignages et images authentiques issus du voyage d’exploration de l’équipe marketing de Far East Tour à travers 7 provinces du Centre du Vietnam, réalisé en juin–juillet 2025.

Nous avons visité deux plantations de caoutchouc, l’une à Kon Tum, l’autre à Đắk Lắk, toutes deux anciennes, aux arbres hauts et robustes. En entrant dans la plantation, le monde semblait suspendu : les cigales grésillaient, la lumière filtrait à travers les feuilles épaisses, et l’odeur légèrement acide du latex flottait dans l’air tiède.

L’hévéaculture, un pilier de l’économie du Tây Nguyên

Aujourd’hui, les forêts d’hévéas des Hauts Plateaux du Centre représentent près de 251 350 hectares, soit 25 % de la superficie totale d’hévéaculture du pays. Depuis les années 2000, la culture de l’hévéa s’est développée rapidement, parfois au détriment des forêts naturelles, remplaçant même des plantations de café ou de poivre dans certaines régions.

Chaque arbre à caoutchouc commence à produire entre la 5ᵉ et la 7ᵉ année après la plantation. Il atteint un rendement optimal à partir de la 10ᵉ année, et peut produire du latex pendant environ 20 à 25 ans, avant d’être abattu et remplacé.

Un seul arbre donne en moyenne 50 à 100 grammes de latex par jour. Sur une parcelle bien entretenue, on peut récolter jusqu’à 2 à 2,5 tonnes de latex par hectare et par an, selon les conditions climatiques et la densité de plantation.

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Rencontre avec Hen et son mari : l’aube des cueilleurs de latex

Ce jour-là, nous avons rencontré Hen et son mari, deux cueilleurs originaires du coin. Il était presque midi, et ils terminaient leur tournée avec leurs seaux pleins de latex blanc collecté dans de petites coupelles accrochées à chaque tronc.

Hen nous a expliqué que leur journée commence à 3 ou 4 heures du matin : ils viennent entailler l’écorce de chaque arbre, à l’aide d’un couteau spécialisé, en suivant un mouvement en spirale ou en biais. Puis ils laissent le latex couler lentement jusqu’à 10 ou 11 heures, avant de revenir pour le transvaser dans des seaux, puis l’apporter à la coopérative locale.

Ils ne portent aucune protection : ni gants, ni masque. « C’est du caoutchouc naturel, ça ne fait pas de mal », nous dit Hen en souriant. Pourtant, le contact répété avec le latex frais ou les résidus de pesticides pourrait bien avoir des effets sur la santé à long terme.

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Silence vert, gouttes blanches

Le plus frappant dans ces plantations, c’est l’uniformité : chaque arbre se ressemble, chaque tronc est strié d’un ou plusieurs sillons d’où goutte lentement le latex, blanc et visqueux. Au-dessus des incisions, des petits morceaux de plastique ou de mousse sont fixés pour empêcher la pluie ou les insectes d’altérer la récolte.

En marchant sous les arbres, nous avons trouvé des fruits de l’hévéa, verts, ronds, en trois parties. En les ouvrant, nous avons découvert des graines dures, semblables à des noix de macadamia. C’était la première fois que nous voyions les fruits du caoutchouc, et l’émerveillement était au rendez-vous.

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Enjeux écologiques et sociaux de l’hévéaculture

Si l’hévéaculture a apporté des revenus à de nombreuses familles, elle soulève aussi de nombreuses préoccupations environnementales. La conversion massive de terres en monoculture d’hévéas a entraîné :

  • Une perte de biodiversité, notamment de la faune locale.
  • Une déforestation progressive, parfois au mépris de zones protégées.
  • Une érosion des sols et une vulnérabilité accrue aux maladies (champignons, bactéries).

Depuis 2016, face aux critiques et aux limites des terres disponibles, les autorités ont encouragé une intensification plus durable, avec la mise en place de normes environnementales comme VietGAP ou la certification FSC pour certaines coopératives.

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Hévéaculture et histoire : une empreinte coloniale

Il est important de rappeler que l’introduction de l’hévéaculture au Vietnam remonte à la période coloniale française, avec Alexandre Yersin (le célèbre explorateur et médecin), qui planta les premiers hévéas à Nha Trang vers 1897–1900. C’est donc une culture liée à l’histoire industrielle du pays, mais aussi à son passé agricole colonial.

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Une beauté étrange et répétitive

À la fin de notre visite, nous avons fait quelques pas de plus dans la forêt de caoutchouc, silencieuse et verte. Le sol était jonché de feuilles sèches, l’ombre dense, et la lumière tamisée. Tout semblait se répéter : tronc, sillon, coupelle, sillon, coupelle…

Et pourtant, dans cette répétition, il y avait une forme de poésie. Un rythme humain, quotidien, invisible aux touristes pressés, mais essentiel à l’économie locale.

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Informations pratiques – Visite d’une plantation d’hévéas au Tây Nguyên

  • Localisation : provinces de Gia Lai, Đắk Lắk, Kon Tum, Lâm Đồng
  • Arbres en production : entre 7 et 25 ans
  • Production : ~50–100 g de latex/arbre/jour ; ~2 tonnes/ha/an
  • Heures de travail des cueilleurs : entaillage à l’aube (3–4h), récolte vers midi
  • Visite : gratuite si vous êtes accompagné d’un guide local ou autorisé par la plantation
  • Photogénie : excellente lumière tamisée sous les arbres, symétrie parfaite
  • À noter : prévoir insectifuge et respect de l’environnement

Les forêts d’hévéas du Tây Nguyên sont à la fois paysages industriels et vivants, témoins d’un passé colonial et d’un futur incertain. En y marchant doucement, on entend battre le cœur de la terre et du travail humain, entre ombre et lumière, goutte après goutte.

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Grant Nguyen

Grant Nguyễn est notre auteure passionnée et experte en voyages. Diplômée de l'Université nationale de Hanoï, où elle a étudié la langue et la culture française, Grant possède une connaissance approfondie et une passion pour le partage de la culture vietnamienne. Depuis 2017, elle s'est consacrée au secteur du tourisme, explorant chaque coin du Vietnam, du nord au sud. Sa vaste expérience personnelle des voyages à travers le pays lui permet de vous offrir des conseils précieux et des récits captivants. Avec le désir profond de partager ses connaissances et son amour pour le Vietnam, Grant espère inspirer et guider les voyageurs du monde entier à découvrir la beauté et la richesse de cette terre fascinante.
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